mercredi 16 mars 2022

Julie Doucet remporte le Grand prix du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême.

L'autrice était de passage à la librairie samedi dernier.
En notre nom et en celui de toutes les personnes présentes nous lui adressons toutes nos félicitations !




Manon Dumais - Le Devoir 16 mars 2022 

Après la Française Florence Cestac en 2000 et la Japonaise Rumiko Takahashi en 2019, la Québécoise Julie Doucet devient la troisième femme, et la première Québécoise, à mériter le Grand prix du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Au téléphone, toute juste arrivée sur place, celle qui a fait paraître l’anthologie Maxiplotte (L’Association) en France et au Québec dans les derniers mois est encore sous le choc à l’idée de marquer l’histoire du 9e art.

« Je ne sais pas quoi dire ! », s’exclame-t-elle avec un rire nerveux. Je l’ai appris le 9 mars par courriel. C’est mon éditeur qui me l’a annoncé. Je n’y ai pas cru. J’en revenais pas ! J’étais tellement convaincue que ce serait l’une des deux Françaises qui gagnerait. »

Fait rare à signaler dans l’histoire du festival, accusé de sexisme en 2016 pour sa sélection 100 % masculine, trois femmes concouraient pour cet honneur cette année, l’autrice de Dirty Plotte et les Françaises Pénélope Bagieu et Catherine Meurisse. À la précédente édition, ces dernières s’étaient retrouvées en nomination avec l’Américain Chris Ware, qui avait remporté le Grand Prix.

Pour mémoire, en 2016, le Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme avait appelé au boycottage du festival : « Nous rappelons que depuis 43 ans, Florence Cestac est la seule femme à avoir reçu cette distinction. Claire Bretécher, pilier du neuvième art, n’a elle-même jamais reçu le Grand prix, repartant en 1983 avec le prix du 10e anniversaire (prix n’ayant jamais empêché ses lauréats d’être admissibles pour les Grands prix suivants). »

« C’est énorme ! »

« Je suis dépassée par les événements, confie Julie Doucet. C’est énorme ! Je pense que c’est la plus grosse récompense qui existe dans le milieu de la bande dessinée. Je n’avais pas prévu me rendre à Angoulême, mais avec la nomination de trois femmes et le fait que je gagne un prix, il fallait vraiment que j’y aille. »

À l’arrivée, l’artiste s’est sentie très bien accueillie et a trouvé l’atmosphère plus détendue qu’elle ne l’aurait crue : « Je pensais que j’allais devoir faire un grand discours, mais heureusement, ce n’est pas comme ça que ça va se passer. C’est le récipiendaire du Grand prix de l’année passée qui va me présenter. Je vais dire quelques mots de remerciement et ensuite, c’est le directeur artistique du festival qui va m’interviewer devant un public professionnel. Ça va être pas mal plus casual que je le pensais. »

À quelques heures de la cérémonie, Julie Doucet n’avait pas encore écrit son discours. Allait-elle saluer les femmes qui l’ont inspirée et influencée, telle sa mère qui lui a fait découvrir le magazine Pilote quand elle était jeune et les bédéistes Claire Bretécher, Nicole Claveloux, Chantal Montellier et Florence Cestac ? Allait-elle tout simplement improviser quelques mots ?

« Oh non, non, non ! Ce serait une catastrophe ! J’ai quelques idées que je vais mettre sur papier. En gros, je vais remercier mon éditeur. On m’a dit que j’aurais seulement une minute, donc ce n’est pas le moment de s’étendre sur le sujet. »

Ayant arrêté de faire de la bédé en 1999, écœurée par le machisme ambiant, Julie Doucet ne cache pas son étonnement d’être couronnée pour son œuvre en 2022. « Le livre Maxiplotte, sorti en novembre en France, a eu beaucoup d’attention ; il y a eu beaucoup d’articles. Ça m’a surprise, mais ça pourrait expliquer le prix. Je ne sais pas si le milieu de la bédé a changé depuis que je l’ai quitté… j’imagine que oui parce que les femmes y ont plus de place. Je viens juste d’arriver et je reste à Angoulême jusqu’à dimanche. En attendant, j’ai tellement, tellement, tellement d’interviews, c’est complètement fou ! »